Visitez le site du Cadran Bleu

 

 

 

 

 

 

   

Chapitre 2

 

 

– Écoutez cette histoire, lança Johanna à la cantonade. 1510 : un affluent de l'Orne a gelé en une seule nuit, près du village de Pont d'Ouilly, en Normandie. Et cela se passait en plein mois d'août !

– Et celle-là, compléta Wilmor, l'extra-terrestre mauve. 14 octobre 1066 : la bataille d'Hastings, en Angleterre. Une boule lumineuse a survolé la mêlée. En quelques instants, une dizaine de combattants avaient vieilli de trente ans ! ! !

– J'ai mieux, gloussa Irgos, le robot. En 1961, deux bouseux du Kansas prétendent avoir rencontré un voyageur temporel, un type qui disait s'appeler Sam Beckett et discutaillait sans cesse avec un hologramme invisible ! Ridicule...

Cela faisait plus de trois heures que la fine équipe épluchait méthodiquement les données ramenées par leur chef. Mais, jusqu'ici, les indices étaient bien minces, pour ne pas dire inexistants.

Antarès se rencogna dans son fauteuil, un épais manuel d'Histoire posé sur les cuisses. Il se tenait les sinus entre le pouce et l'index, comme plongé dans une intense réflexion :

– Il doit bien y avoir un dénominateur commun, un fil conducteur, entre tous ces » bugs »...

– J'ai peut-être la solution, annonça UberChonzu.

Tous les regards se tournèrent vers l'oreille volante qui, comme à son habitude, flottait à deux mètres du sol, ses suspenseurs gravifiques en action.

– Ne nous fais pas languir, Ub' ! glapit l'impulsif Wilmor, les antennes frémissantes.

UberC. appuya du bout du lobe sur un clavier spécialement adapté à sa singulière anatomie.

– J'ai compilé toutes les données dans l'ordinateur central, dit-il, et ce dernier a fait le reste.

Des colonnes de chiffres s'affichèrent sur l'écran.

– Regardez, poursuivit l'oreille sur un ton docte, on dirait que ces » bugs » obéissent à une sorte de cycle préprogrammé. Le premier a eu lieu en 50 avant Jésus-Christ...

– Cette histoire de gladiateurs qui ont vieilli d'un seul coup durant les jeux du cirque, à Rome ? s'enquit Johanna.

– Oui, c'est ça. Le deuxième » bug » arrive vingt cinq ans plus tard. Le suivant nous fait repartir cent ans en arrière, etc. Tous les dix accrocs, le cycle recommence !

Antarès fit le signe » arrêt de jeu » avec ses mains :

– Attends, attends... Cela nous donne une suite logique sur le plan temporel, mais quid des coordonnées spatiales ?

La créature volante appuya sur une nouvelle touche.

– Voilà ta réponse, Antar'.

Des relevés topographiques avaient remplacé les dates sur l'écran de l'ordinateur.

– Le cycle fonctionne aussi pour les latitudes et les longitudes : un coup en Italie, puis on remonte vers le Nord, ensuite on traverse l'Atlantique, etc. Ce qui signifie...

– Que nous ne sommes pas en face d'un phénomène aléatoire, mais bien d'une intervention humaine !

– Ou extra-terrestre ! termina l'E.T. mauve.

Un silence pesant s'abattit sur la salle de réunion. Chacun réfléchissait aux implications d'une telle machination. Les zones d'ombres restaient nombreuses : Qui ? Pourquoi ? Et, surtout, comment ?

– On ne voyage pas dans le temps, comme ça, fit l'agent X-22 en claquant des doigts. Seul le Centre d'Études Terrestres Temporelles a développé la technologie requise pour les sauts quantiques. Et les agents qui circulent à travers les époques ont pour ordre formel de ne pas altérer le continuum ! C'est même la consigne numéro 1 !

– Tu crois que quelqu'un se sert de cet équipement de pointe en cachette ? demanda la jeune biologiste.

– Non, je ne pense pas. On n'entre pas comme ça dans le Centre, tu peux me croire.

– Alors quelqu'un a développé une technologie similaire, dans son coin, risqua l'androïde. Je ne vois que ça comme explication.

– Et cette personne met la pagaille dans l'espace-temps, acheva son comparse à peau mauve.

De nouveau, le silence, chargé de sous-entendus.

Antarès leva un doigt vers le plafond, le regard brillant.

– Puisque ces petits malins se conforment à un cycle, on doit pouvoir calculer leur prochaine destination, non ? s'écria-t-il, content de lui.

– Exact, fit UberChonzu.

Il tapota sur son clavier à grosses touches. L'écran afficha :

   

7 avril 1660. Environs de Blois. France.

 

– Hé, hé, j'ai toujours rêvé de visiter la France au XVIIème Siècle, gloussa notre héros. Bon, je file au Centre et je leur demande de me téléporter. Ces pirates du temps vont voir de quel bois je me chauffe !

– Je viens avec toi, fit Johanna, pleine d'aplomb.

– Hein ?

– Pas question de me laisser à l'écart encore une fois ! Je suis ton assistante, non, Antar' de mon cœur ? Et une assistante est faite pour assister. Donc, je viens. Fin de la discussion.

– Non, c'est trop dangereux.

– Si je ne viens pas, je démissionne.

Pendant que les deux jeunes gens argumentaient, Wilmor se pencha à l'oreille de son camarade métallique.

– Et voilà, ça recommence, murmura-t-il d'un air las.

En effet, ce genre de chamailleries était monnaie courante dans l'équipe du héros galactique.

– J'y vais seul, un point c'est tout ! aboya ce dernier, catégorique.

 

 

– Vous êtes prêts là-dedans ? questionna le superviseur du saut.

Antarès, visiblement contrarié, opina. Johanna se tenait à côté de lui, dans une sorte de tunnel badigeonné de couleurs psychédéliques. Tous deux étaient déguisés en paysans et chaussés de sabots. Une vitre en plastacier les séparait de l'équipe technique. Cinq hommes et femmes programmaient des computers gros comme des éléphanteaux d'Acturus 3. Nightingale, l'ingénieur aux yeux de cocker, dirigeait l'opération. Il y avait de l'électricité dans l'air, au propre comme au figuré.

– Tu es plus têtue qu'une mule, grinça l'agent spatio-temporel à l'adresse de son assistante.

– Il faut croire que tu as déteint sur moi, rétorqua celle-ci.

– Attention, fit la voix de Nightingale, dans le haut-parleur du couloir. Saut quantique dans dix secondes.

Une vibration grandissante commença à sourdre des murs.

– 9... 8...

Nos deux amis se bouchèrent les oreilles.

– 7... 6...

Leurs cheveux se dressèrent au dessus de leur tête.

– 5... 4...

Les parois du tunnel devenaient luminescentes. La température ambiante grimpait en flèche.

– 3... 2...

Les deux voyageurs temporels avaient l'impression de se trouver dans un four à micro-ondes géant.

– 1... GO !

Une lumière aveuglante leur explosa à la figure.

L'instant d'après, ils s'étaient volatilisés.

(à suivre...)

 

Revenir au premier chapitre

Revenir au prologue

Télécharger les Pétrifiés en PDF

 

© Éditions Degliame